Centre de Référence en Santé Mentale

Références et définitions

Quelques éclairages sur la notion de santé mentale

Autant le dire d’entrée de jeu : il n’existe pas une seule et unique définition de la santé mentale. Celle-ci connaît de multiples acceptions et chacune d’entre elles assume un caractère situé et subjectif. Situé, parce que chaque définition ou référence à la santé mentale prend place dans le contexte historique et socioculturel qui est le sien : les conceptions majoritaires de la notion et, partant, les ressources déployées pour répondre aux problématiques de santé mentale diffèrent en fonction de ce qu’on pourrait vaguement nommer « l’époque ». Bien plus, au sein même d’une époque donnée, interpréter les termes de « santé mentale » implique de naviguer entre différents usages, toujours dépendants des valeurs investies par celui qui s’en empare, ainsi que du courant de pensée dans lequel il s’inscrit et de la discipline scientifique qu’il convoque. Subjectif, parce que nous pouvons finalement convenir du fait que, dire ce qu’est la santé mentale, c’est faire un retour sur un voyage singulier et propre à chacun.e selon son parcours de vie, son histoire, son environnement, son âge, etc. Autant d’éléments qui viennent inévitablement colorer nos propres représentations de la santé mentale et, de facto, les éléments de compréhension que nous allons essayer d’en donner.

Pour y voir plus clair et dresser les contours de cette notion entrée dans le langage commun aujourd’hui, nous vous proposons ici quelques éclairages.

Vous avez dit “santé mentale” ?

Une simple recherche sur Internet permet de se rendre compte de la diversité des significations données aux mots « santé mentale ». On constate néanmoins que les définitions actuelles ont en commun de privilégier une approche de la santé mentale par le biais de ses déterminants. En considérant les choses sous cet angle, il est alors possible de faire émerger des récurrences contemporaines en la matière. Ainsi, il semblerait que, dans une certaine congruence avec les valeurs de la société du XXIe siècle, centrées sur l’individualisme (Ehrenberg, A. 1991,1995,1998), la notion de bien-être, voire d’épanouissement, occupe de nos jours une place de choix dans les discours qui tentent de penser la santé mentale.

Du côté des organismes officiels, « la capacité à accomplir un travail productif et fructueux » est un élément de défi nition mis en avant par l’Organisation Mondiale de la Santé (2007) pour qui « la santé est bien plus que l’absence de maladie ou d’infirmité ; il s’agit d’un état de complet bien-être physique, mental et social » (1).

En ce qui concerne le Centre de Référence en Santé Mentale, un consensus se dessine autour de certaines dimensions constitutives de la santé mentale :

« La santé mentale peut se voir comme un équilibre, parfois précaire, fait de mille et une choses, comme du temps passé avec ses amis et sa famille, des sorties, un travail, un rythme de vie, des apprentissages, du sport, des projets, le sentiment d’être utile, compétent et en sécurité… Un véritable cocktail d’ingrédients propre à chacun qui nous aide à nous sentir suffisamment bien avec nous-mêmes et les autres, et nous permet de trouver du sens à nos existences respectives. Ce sont ces mille et une choses qui nous permettent, non sans difficulté, de surmonter les tensions normales de la vie (Minotte, P., CRéSaM, 2021)”. Pour reprendre les mots du psychiatre français Jean Furtos : “ la santé mentale c’est la capacité de vivre et de souffrir dans un environnement donné et transformable, sans destructivité (ou autodestruction) mais non pas sans révolte » (Furtos, J., 2005, p.32).

Dans la lignée de celle proposée par l’OMS, cette description de la santé mentale envisage positivement son objet : elle repose sur une conception de la « santé mentale positive », en vertu de laquelle une bonne santé mentale ne peut être réduite à l’absence de troubles mentaux. Elle fait toutefois preuve d’une nuance importante, en ce qu’elle se tient à l’écart de tout enjeu productiviste, en ne reprenant pas les termes de « travail productif » au moment d’évoquer les indicateurs d’une bonne santé mentale. C’est au bout du compte la multiplicité des déterminants possibles, au nombre desquels le lien social, le logement, la qualité de vie, l’épanouissement au travail, mais également le sentiment d’être utile et le sens donné à notre existence, que le CRéSaM souhaite mettre en avant.

Tenant à distance les définitions des premiers jours de la santé mentale telle que celle proposée au XIXe siècle par Isaac Ray (1808-1881), l’un des fondateurs américains de la psychiatrie légale pour qui « être en santé mentale » consistait à « préserver l’esprit contre les incidents et les influences qui pourraient endommager ou détruire son énergie, sa qualité ou son développement », être en (bonne) santé mentale s’envisage désormais comme le résultat d’un processus continu et dynamique, en permanente évolution, qui permet à l’individu d’exploiter au mieux son potentiel et de jouir du quotidien. La santé mentale, bien plus que la seule absence de maladie mentale, se trouve à l’intersection de différents éléments qui permettent d’allier un sentiment positif à l’égard de la vie à une bonne santé fonctionnelle. Et pour cause, santé mentale et santé physique entretiennent des rapports étroits, de sorte qu’être en bonne santé physique favorise une bonne santé mentale, et vice-versa : pas de santé sans santé mentale. Réalité multifactorielle et en mouvement perpétuel, la santé mentale ainsi comprise ne désigne nullement un état définitif et ne s’érige pas en critère discriminant entre individus en “bonne” ou en “mauvaise” santé mentale : si nous sommes tous concernés, c’est aussi que personne n’est à l’abri d’une phase de sa vie plus compliquée, où l’équilibre entre les nombreux facteurs censés concourir à une santé mentale positive est rompu. Alors il nous arrive d’aller moins bien, avec plus ou moins de gravité.

Dans le même ordre d’idées, nous pouvons mettre en exergue que le modèle d’interprétation des troubles psychiques qui domine à l’heure actuelle est « bio-psycho-social » (2) . Ce modèle signifie que la compréhension et les ressources/traitements pour faire face aux troubles de santé mentale sont éclectiques et non centrés strictement sur le biologique (santé individuelle, génétique, genre, …), le psychologique (personnalité, compétences psycho-sociales) ou le social (soutien, famille, …). Les dimensions économique (emploi, revenus, niveau d’éducation…) et sociétale (3) (environnement, culture, politiques économiques et sociales, …) jouent également un rôle déterminant. Il est ainsi communément admis aujourd’hui qu’en fonction de différents facteurs et des événements de notre vie (heureux et malheureux), notre santé mentale oscillera sur un continuum entre le bien-être et le mal-être, et sera “plus ou moins bonne” selon les périodes et les étapes de notre vie.

Maladie mentale ? Trouble de santé mentale ? Souffrance psychique ?

Parce qu’un consensus n’existe pas quant à la manière d’appréhender la santé mentale, il en est de même concernant la façon de la nommer lorsqu’elle vacille et que les troubles apparaissent… S’entrecroisent alors, dans une certaine confusion générale, des termes tels que « trouble de la santé mentale », « difficulté psychologique », « souffrance psychique », « trouble psychiatrique », « maladie mentale », etc. dans lesquels il n’est pas toujours aisé de se retrouver lorsqu’on est confronté à la souffrance, de soi ou d’autrui. Ces nuances terminologiques, reflets des différentes interprétations et compréhensions de la situation problématique, ne sont pas anodines en ce qu’elles influent sur la/les réponse(s) proposée(s) et, partant, sur la direction empruntée au sein du vaste champ de l’offre (d’aide ou de soins) en santé mentale.

Quand l’équilibre bascule : comment faire face ?

Les personnes confrontées à une difficulté en santé mentale peuvent connaître une diversité de réalités et une variété de symptômes extrêmement grande, des plus “légers” aux plus “sévères”. La façon de faire face à ces situations de déséquilibre va du self-help (ressources personnelles) aux soins spécialisés, mais connaissent entre les deux des pistes de solution dans l’entraide, dans les soins primaires et dans les soins de santé mentale dits “communautaires”. Souvent, nous faisons inconsciemment appel à plusieurs ressources en même temps – personnelles, informelles et spécialisées par exemple – et ces différentes ressources prendront plus ou moins de place en fonction de leur disponibilité mais aussi de l’intensité des troubles vécus et de la période de notre vie dans laquelle nous nous trouvons.

L’offre belge de santé mentale est large et variée, ce qui la rend complexe et peu lisible tant par les professionnel·le·s de l’aide et du soin que par les personnes en souffrance et leurs proches. Cette observation partagée par le CRéSaM et d’autres acteurs a été clairement mise en évidence dans un rapport du KCE (4) publié en 2019. Face à ce constat, le CRéSaM a souhaité proposer un outil permettant une meilleure compréhension des ressources existantes en santé mentale. L’O.M.S. (Organisation Mondiale de la Santé) a introduit le modèle de la pyramide en 2007 afin de représenter une distribution optimale des services et institutions au sein d’un pays, en fonction de leur coût et de leur degré de spécialisation. Le CRéSaM a repris ce modèle pyramidal (5) afin de représenter la diversité des ressources mobilisables lorsque notre santé mentale se voit fragilisée. Cet outil présente de façon structurée (mais non exhaustive) des acteurs qui participent à une prise en charge des problématiques en santé mentale. Il ne s’agit pas d’un répertoire des services et institutions disponibles en Wallonie. Ce schéma entend rendre compte de la cohabitation des ressources personnelles, informelles et formelles face à la souffrance et sensibiliser à l’importance, parfois sous-estimée, des ressources de proximité. Il rappelle par exemple la place centrale de l’entourage lorsque les difficultés surgissent, mais également celle des services de première ligne en santé généraliste. Les acteurs de ces services, alors aux premières loges par rapport à l’épreuve traversée, peuvent proposer un premier accompagnement quand cela leur semble adéquat, ou relayer si besoin vers des ressources présentes au sein de la communauté. Suivant cette logique, la pyramide de l’offre montre que les services psychiatriques spécialisés et de longue durée interviennent pour des prises en charge plus intensives et spécialisées.

Pour découvrir l’outil « Pyramide » dans son intégralité, nous vous invitons à vous rendre sur la page en ligne qui lui est consacrée, ici.

Trouver du soutien en Wallonie

Si vous cherchez de l’information sur les aides, soutiens et services disponibles en Wallonie, nous vous invitons à vous rendre sur le site de l’AViQ : www.trouverdusoutien.be

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(1) L’O.M.S. (2007) décrit alors la santé mentale comme « un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ».
(2) Le terme « bio-psycho-social » voit le jour dans les années 1980 et serait attribué au médecin généraliste et psychanalyste américain G.L.ENGEL (1913-1999) (Berquin, A. (2010)).
(3) Pereira, A., Dubath, C., & Trabichet A.-M. (2021). Les déterminants de la santé mentale : Synthèse de la littérature scientifique (minds 01/2021). Genève : minds – Promotion de la santé mentale à Genève.
(4) Organisation des soins de santé mentale pour les adultes en Belgique – Synthèse (fgov.be).
(5) The optimal mix of services, Geneva, World Health Organization, 2007.

Références

♦ Berquin, A. (2010). « Le modèle biopsychosocial : beaucoup plus qu’un supplément d’empathie« , Rev Med Suisse 2010 ; volume 4. no. 258, 1511-1513
♦ Furtos, J., 2005, « Souffrir sans disparaître. Pour définir la santé mentale au-delà de la psychiatrie ». In  : Furtos, J., Laval, Ch., La santé mentale en actes. De la clinique au politique, Toulouse, Erès
♦ Minotte, P., (2012) Santé et santé mentale : définition et discussion. Rapport de l’Institut Wallon pour la Santé Mentale
♦ Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.), Constitution, ((1945)2005)
♦ Pereira, A., Dubath, C., & Trabichet A.-M. (2021). Les déterminants de la santé mentale : Synthèse de la littérature scientifique (minds 01/2021). Genève : minds – Promotion de la santé mentale à Genève
♦ Quétel, Claude. Histoire de la folie. De l’Antiquité à nos jours. Tallandier, 2012